Journal d'écrire

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Seuils... (écriture quotidienne, du 23 septembre au 23 décembre 2017)

 

du 24 décembre 2017 au 7 février 2018

 


derrière entendre

on guette deux mots

reliés dans l'écoute :

     une "terre de nuages"

     racines avalées

 

on ne sait rien

 

peut-être qu'on cherche

une bordure friable

pour se retenir et

tomber aussi

 

c'est en 

perdant pied

que d'autres mots s'articulent

dans l'appel d'air

du vide

 

couverts de leurs

vêtements de brume

on aperçoit 

ce qu'ils disent

 

cela dessine

des sentiers incertains

 

on tente de lire

ce qui s'écrit

devant les pas

 

le caillou

contre lequel on bute

est le poème

(24 et 25 décembre 2017)

 

guetteur de poussières

clarté sous la langue

c'est dire

un flux ascendant d'écrire

 

pas un mot dans le souffle

mais une brindille

soulevée par quoi?

 

pierre équarrie

silence

entre les doigts

 

on grave des signes de neige

blancs sur blanc

 

on ne voit rien

 

voix d'un oiseau égaré :

     c'est un

     guetteur de limailles

 

ce qu'on écoute au-delà du ciel :

     mots vents

     ne disent rien

(28 décembre 2017)

 

dans le blanc d'énigme

qui recouvre

ce qui n'est pas dit

on attend

un papillon d'hiver

 

des mots se déplient

sous nos doigts

 

et quand on mêle les eaux

quelque chose en nous

boit

un ruisseau de mémoire

(28 décembre 2017)

 

on repousse

quelques pierres

en dehors de

la ligne friable

 

on cherche

dans les empreintes

des contours pour des mots

en avant de 

leur énonciation

 

on voit venir

des fragments d'images

poussés par le vent

et on entend

un brouillon de voix :

     griffures d'épines et

     sang chaud d'une mûre

(29 décembre 2017)

 

comme une marée

descendante

on se retire

du poème

avec la neige

qui se délabre

brutalement

 

cailloux qui glissent sous les pieds

mots qu'on garde au creux des mains

 

une silhouette lointaine

trempée de pluie

disparaît

 

on sait que

ce qui vibrait au bord des lèvres

est une neige 

fondue mêlée de boue

 

mots 

indemnes

quelques oiseaux ébouriffés

se posent sur les branches

de l'arbre noir

(30 décembre 2017)

 

portant une mie

rompue par le décroît du jour

on entre dans 

la haute fumée d'écart

entre voix et

vent fusant du soir

 

on avance sur

le chemin flottant du crépuscule

inscrivant des lettres et

comptant voyelles

sur nos doigts

ressassés

 

on voudrait courber les dos des mots

calés dans les angles

tenter de les

poser

le long des veines de sèves froides

brouillées par l'obscurité

 

ils formeraient

des rives en cendres

sous nos pas

de pierres

 

avec des lampes pâles

gravées sur nos lèvres

on serait ce sol

dispersé

(31 décembre 2017)

 

on lave les pierres 

intermédiaires

et l'eau s'écoule

dans le réseau des argiles sombres

lessivant

les poussières et les sables

 

on tente d'écrire

en triant les gravats dans

les eaux de ruissellement

 

sédimentation des matières infimes

de la langue

 

écrire ramasse des ombres

 

on pourrait attendre

des germinations

mais on ne sait rien

du poids de la terre

ni de l'aridité

des voyelles

 

on écoute dans la nuit

des bêtes

boire au delta

du murmure

(1er janvier 2018)

 

un écart

blanc

entre la neige et

ce qu'on cherche à prononcer

 

on voudrait

perdre sol

et langue 

chavirer sur la toile tendue

du ciel

soustraire l'absence

 

on quête pourtant

un écho

dans la transparence des yeux

 

neige effondrée qui recouvre les mains

 

un reflet d'haleine pâle

se brise

dans le ruisseau

 

comme l'oiseau

boire à la neige

fondue

 

on sait qu'écrire d'absence

ne donnera sang

 

alors on pose

une fleur blanche

sur le blanc de la neige   

(2 janvier 2018)

 

échardes

jetées contre la bouche

langue blessée

contre les rocs des dents

 

dans le silence de la pierre

un corps décharné ravaude

toiles et livres

 

on coud 

paupières obscures

sur des fragments d'écriture

 

des feux de braises s'étiolent comme

des fleurs murmurées

 

on revêt un dos

de lambeaux d'étoupe 

et c'est cela

abri de roche et paille sèche

qui pose sous l'encre

des cristaux de mots

sertis dans l'ambre 

(3 janvier 2018)

 

ce sont les mots

sans nous

qui fouillent dans nos mémoires

muettes

 

nous... désordre de branches noires

 

on se retourne parfois

quand quelque chose

nous heurte l'épaule

 

une voix un souffle

sortis de notre bouche

feuillettent le livre

du sommeil: 

     quelqu'un cachait les yeux d'un enfant

     des mots

     très anciens

     tournaient autour de 

     sa tête

 

on ne sait dire

aucun mot

dans la brume d'écrire

 

peut-être que

ce qu'on cherche

ressemblera à

un nid de cendres 

chaudes encore

un seul

poème

(4 janvier 2018)

 

au veilleur pauvre

qui attend

assis dans notre corps

on confie

des limailles et des copeaux de lettres

 

on pose dans ses mains

écharpe de demi-sommeil

 

peut-être qu'il déroulera

un écheveau de brume

et que des mots

abreuvés de nuit

glisseront dans un murmure

jusqu'à

notre bouche

 

fissure dans l'air

on entre

dans un couloir de vieille langue

où pleurait

silhouette noire

vêtue de 

très longs cheveux

 

écrire est-il aussi

récit de rivière âpre

écume levée par 3 mots rêvés

jetés comme des pierres ?

(5 janvier 2018)

 

ombres qui montent du sol

comme des forêts 

de lenteur

 

comme un dessin

qu'on griffonne

à la mine de plomb

depuis le bas de la page

 

dans l'étoile soulevée

on aperçoit

un filigrane d'ambre

ou de résine

 

alors on cherche en soi

des inscriptions fines

à la mesure de la clarté

dorée

 

si précaires sont

les mots qui nous parviennent

qu'ils disparaissent

avant que notre bouche

ait pu les prononcer

(6 janvier 2018)

 

dans la proximité de la pierre

on polit d'autres noms :

     cailloux graviers

     galets qui sont des langues courbes

     qui nous détournent du froid

 

on tamise les poussières :

     cendres

     de la bouche

 

on se souvient

de combustions lentes

bois et roseaux taillés

enflammés à la glu de l'air

 

on attise des feux de voix

d'où naîtront 

des suies et des sèves

brûlées

 

écrire sera 

l'encre

puisée aux tombeaux

des poèmes abandonnés

un enfant 

laissé sur le sol

serré dans des linges 

maculés de boue

(6 janvier 2018)

 

on recouvre la sombre langue

qui tente de

frayer des passages

dans l'obscurité

 

on donne 

l'eau fragile de notre bégaiement

à l'ombre

qui tient un gouvernail

noir

dans l'encre

 

 

élever une phrase comme

un courant ascendant de poussières

né dans 

2 mains vides

 

la brume seule

est écriture

quand on trouve

dans la transparence des mots

quelques éclats de

ce qu'ils ne peuvent pas dire

un presque rien de matière

opacifiée

 

on ne saura peut-être pas

suivre les liserés du silence

 

on écoute 

le bruit feutré des pas

(7 janvier 2018)

 

quand on laboure la neige

dans l'attente des semeurs d'hiver

des morceaux de phrases 

et des clartés de mots

sont enfouis

au-delà de la voix

 

on met à jour l'encre nue

et le silence

 

on froisse l'étoile du jour

et le livre

contre les parois du froid

 

fissures de cristal

 

on aperçoit

tombé dans les mains

ce qui tremblait

là-bas dans la mémoire

 

(8 janvier 2018)

 

prendre neiges et eaux

prendre

voyelles dans les mots

et chantonner

en fond de gorge

 

laisser la brume

éteindre les murmures

et... recommencer

 

recommencer à descendre

vers le reflet noir de la rivière

 

frotter le rien des mots

contre la langue

 

le silence est une masse de neige détrempée

pesant un roc

sur l'angle du dos

 

on sait que

les poèmes englués

dans de lourds ressassements

rejoindront les eaux de fonte

les tourbillons d'écume contre les berges

(9 janvier 2018)

 

friches dans les neiges fondantes

sont le butinement d'écrire

un caveau en lambeaux

pierre d'angle ébréchée

 

on soulève  la caisse noire

des mots d'épines et de ronces

 

et la cendre des encres

nuageuses

scelle les argiles

là où ont disparu

les morts

 

les mots seraient 

outils de creusement

 

dans les rides des mains

des matières noires s'incrustent

 

on cherche le drap d'étoiles

de l'enfant

et le lait

que quelqu'un avait perdu

comme un sang

 

on cherche une voix

tarie comme

une terre

d'hiver

(9 janvier 2018)

 

pourra-t-on rejoindre

ce sentier de braises

avant qu'il ne disparaisse?

 

on a

les poches pleines de poussières

et les mains

serrées entre les pierres

 

pas de mots

ni d'oiseaux

 

un éclat de lumière solaire

se brise dans la rivière

 

peut-être qu'on verra

le reflet d'un poème

en amont de son énonciation

 

peut-être que

l'effacement de la neige

sera l'écho

noir

de quelques mots 

cherchant à dire

une clarté silencieuse

au fond d'un puits

d'absence

(11 janvier 2018)

 

un secret de pierre dure

 

échardes...

on tente de les extraire

de la chair tendre du bois

 

sève infime 

est l'encre transparente

 

on dit 

la main assassine posée

dans notre main

 

on dit

ce que la plaie recouvre:

les larmes aussi

de celui

qui tenait l'arme

 

écrire

secoue des mémoires

multipliées

 

bouche qui parle

dans la bouche d'un autre

 

deux mots qui se heurtent

fissurent pierre et langue

où s'éteint la voix

où perle une

rosée d'écrire

dans un même souffle

(11 janvier 2018)

 

poussière pâle mêlée à l'air

 

on porte un ruisseau d'eau sombre

au-devant de la page

 

reflets de

ce qu'on ne voit pas:

cendres et pages tournées

enchevêtrements de ronces ou

un fusain à demi effacé

 

dépôts de mots et d'épines

que l'on suit

sentier esquissé entre

les marges blanches de la neige

 

on écrit comme

on gomme le jour

dans les débris de la lumière

(13 janvier 2018)

 

on s’agrippe à des brindilles

malmenées par le vent

piqûres

au bout des doigts

 

on s'étouffe

à boire

le blanc d'absence d'un ciel de neige

 

tituber contre les bourrasques

nous pousse hors du poème

 

on a un cri silencieux

une plaie rauque au fond de la gorge

 

branches cassées

oiseaux...

leurs vols brisés par le vent

rayent en nous

un murmure qui tremble

 

en guise de nom

mettre une croix sur notre corps

 

des écharpes de mémoire

s'accrochent à notre langue

 

le poème

est cette pièce de toile brute

accrocs et déchirures

et les fils rongés qui la bordent

 

un autre poème palpite :

     buée s'élevant des lambeaux

     manteau et drap humides

     linges élimés de notre ombre

     morte

(15 janvier 2018)

 

à tout brouillon de jour hachuré

boire

le gris et la cendre

l'eau crépusculaire

 

combien de corps

de poussières

passeront sur la page?

 

l'un pousse sous nos dents

des mots barrés

le bruit des déchirures

lignes qui tremblent

 

un autre

pose une main d'ombre

sur notre main

mime la mort donnée

caresse dans un même geste

 

un bois brûlé

nous permettrait-il d'écrire

l'imprononçable nom

le trou dans la langue?

(16 janvier 2018)

 

prenant le vent à contre-courant

on élabore

maigre poème mêlé de pierres

 

comme sur l'enclume

sont frappées les voyelles

 

on égratigne la langue

contre une ancienne voix d'épines

qui résonne en écho

 

on tend l'enfant 

au froid

couvert de linges 

usés par le temps

 

nos 2 mains

le tiennent et s'accrochent

comme à un arbre...

gèlent sous les bourrasques

 

quelques mots

faits d'écailles de givre et

de lettres érodées

que le vent rabat sur la bouche close

se défont dans la lumière

(17 janvier 2018)

 

on voudrait croire

à des sonnailles de bois

remuées par le vent

au mât d'une langue

tendu entre terre et ciel

 

là-haut les inflexions invisibles

une gamme aiguë 

 

on puise à la brume

pour mêler les souffles

estomper les angles

des consonnes

 

lire la cendre

est une note seule

et des traînées de temps

 

en la frottant sur les pierres 

on arrondit la gomme

on efface 

l'empreinte d'absence

gorge rouée

de silence

(18 janvier 2018)

 

croire à

l'oiseau taillé dans la glace

une tourterelle une

braise translucide

posée sur le froid

 

on quête

le chant de la mort

perle fossile

glissée entre les dents

 

on porte la main

au feu des cristaux

qui étincellent

sur des talus d'arrière-mémoire

 

une voix

qui éteint le jour

se traîne sur

la pente blanche

 

comment écrire

la nuit qui traverse le jour?

 

certains nommeront

les nuages et les ombres

mais

on relève une silhouette noire

qui pleurait dans les sources

en amont de la rivière

 

l'encre est de sel

mêlée

se diluant dans les mots du noir

 

il arrive que les pages

se couvrent de salpêtre

et on revêt l'os

dans la carrière du livre

(19 janvier 2018)

 

un point de haute pierre

érodé par la lumière

 

est-ce qu'un poème

pourrait tenir là

sur presque rien de socle?

 

mots

repris par le vent

mots abandonnés dans les fossés

 

dans les poches retournées

il reste

des brins d'herbe sèche

on pourrait dire :

     fragments de lettres

 

on écrit le si peu

énumération des fétus

ailes de papillons

un flocon de neige

...

 

dire comme marcher

ânonner le souffle

 

on se souvient

qu'on devait compter les pas

frapper la langue

pour tenir le puits en sommeil

sortir l'encre du fond des flaques

 

on léchait un sang

de mémoire

(20 janvier 2018)

 

on pose aussi

une rangée de pierres

devant nos mots et

ils s'y heurtent

 

échos enroués dans la brume

 

si on pouvait carder

ces écheveaux et brouillards

ces laines humides mêlées d'épines

on sentirait peut-être

glisser entre les doigts

le fil fin d'une langue

minérale

quelques mots enlevés à l'enfance

des larmes

qu'on ne reconnaît pas

 

on entend un ruisseau

une voix

remous contre les pierres

 

soudain les eaux 

multipliées

coulent sur l'herbe :

     page inondée d'un poème

     et toujours

     des squelettes de mots

     qui surnagent

 

on ne pourra que

laver un corps meurtri

d'un sang qui traverse les temps

est-ce écrire?

(21 janvier 2018)

 

s'arc-bouter contre les bourrasques

 

fougères brunes

les écorces des feux

branches brisées

 

on gribouille sans écrire

des bribes de récits

qu'on entend par intermittence

 

ruisseaux qui se croisent

on tente de 

mêler les encres

 

page arrachée

 

écrire sera

poignées de voix 

entrecoupées

bourrasques de 

silence

(22 janvier 2018)

 

prendre le ciel au mot

d'une brume qui descend

vers la terre

 

à voix basse

on s'immisce

entre les branches 

d'un ciel rompu

 

on ramassera des cailloux

comme on ferait

avec des lettres

on les posera pour

marquer un chemin

 

un chevreuil traversera

nous ne pourrons pas

le suivre

 

on efface lignes et murailles :

     mots en désordre

     fragments d'os éparpillés

 

une cendre pâle

nous revient en plein visage

 

aveuglément

on songe aux morts

leurs voix sont

des peaux vides

 

on voudra écrire

une langue chargée de glaires

un récit englué dans

ce qui tremble

grise obscurité

(23 janvier 2108)

 

on brûle la rose du froid et

une maigre écharde en main

on attise le brasier infime

 

ce qui est consumé

est un feuillet de mémoire

à peine effleuré par les mots

 

on fouillait dans des caisses

emplies de poussières

cherchant le récit d'une saison future comme

un hiver 

en automne

une encre sèche

en amont de l'écriture

(24 janvier 2018)

 

qu'on prenne au jour

une enveloppe de toile grise

qu'on la cloue

sans frémir

à l'envers des yeux

 

les lignes du ciel

entravent les lignes 

des horizons

 

on ne sait écrire que

le long de méandres brefs

...

nos pas 

suivent les berges

 

rompre le chemin

d'un lent crépuscule

est poussière d'encre

 

hachurer de noir

et d'herbes sèches

les mots à chair de cendre

 

tracer un cri

sur la langue

amoindrie d'absence

toutes branches

couvertes de terre

(25 janvier 2018)

 

une porte de langue étoilée

on marche sur la berge

parmi des fleurs d'ambre

et on traverse

un rayon dormant

 

sous un manteau de neige

on murmure

secrets sans écriture

et ce qu'il reste de salive

cristallise

dans les remous du froid

 

on ne sait où

puiser des lettres :

     sous un linteau de nuit

     ou dans l’entrebâillement de la bouche

raidie par le gel

 

que serait écrire

si ce n'était

ressasser des mots

savoir qu'ils gagneront un terrain de dire

presque imperceptiblement

quand les lèvres de la plaie

se rapprocheront

 

des copeaux de mémoire

tombent des yeux

avec des larmes

saturées de sel

noir

 

on doit choisir des corps :

     certains laissent des empreintes 

     dans leurs sillages

     et d'autres passent 

     sans que frémisse la boue

 

une page de brume

née de notre respiration

est posée sur le seuil

du jour

 

nos mains ne savent pas écrire

 

où disparaissent les pierres

frappées autrefois

pour prononcer notre nom ?

(26 janvier 2018)

 

porte ensommeillée

et brume opaque

 

qui en nous

cherchera un passage 

un rai de lumière?

 

on pose

2 mains vieilles

sur la gorge du dormeur

où vibre un souffle

quelques voyelles

un si pâle arc-en-ciel

 

dans nos paumes

les rides tremblent 

saccadées

soudain c'est écrit

levé de la ligne fine

d'une encre noire

 

est-ce qu'on entend que là-bas

le poème est

ce qui est ravaudé ?

 

mots dans la masse blanche de la brume

aiguilles de givre et

friable est la voix 

(31 janvier 2018)

 

langue

qu'une nuit cimentée de cendres

a tenue attachée

dans un râle de chien dormant

 

grabat de pailles

fermentées

et 3 rocs noirs

pour aiguiser la gorge

 

contre nos pieds la neige

est lacérée par

ce qui enserre

 

des nœuds de cordes

dessinent des lettres

qu'on ne peut entendre

 

l'ombre de la lune

est un lac rouillé

au fond duquel tombent

des mots arrachés à des livres

et 

ce qu'on cherche d'un lait

où naissait

une première     voix

(2 février 2018)

 

une page de douce amertume

sur le tapis de neige

 

mots qui enflent d'humidité

acuité perdue

contours flous      poussières

 

on les pose 

sur la langue

avec l'oiseau

qui effleure un souffle

de quelques plumes ébouriffées

 

à peine un son      pas de voix

est écriture

imperceptible

dans le froid

(4 février 2018)

 

ce qu'on ne peut écrire

ce qui n'existe pas

sont paquets de neige

serrés dans les pelages des bêtes

échines courbes

quand s'abat le froid

 

une matière de mots

refermée dans la main

expulsant voix et

salive claire

 

mots translucides

filtrés par la gel

des larmes

 

ce qu'on entend

est

un cliquetis de glace

au-dessus de la rivière

 

peut-être qu'on pourra écrire

un lointain

écho

voyelles ébréchées

fragment de lune posé sur le jour

(5 février 2018)

 

on saisirait des poussières basses

et des gravats de neige gelée

 

on jetterait par poignées

d'autres neiges ficelées d'absence

 

attendre que

des fleurs

piquetées d'encre

traversent les strates

blanches

 

attendre

une germination d'hiver

 

les rides profondes

tombées de notre visage

ont lié nos mains

 

écrire

est ce qu'il reste :

     sciure de langue 

     poncée sur le froid

 

pendant que

des floraisons de lenteur

s'épanchent sur

le crépuscule

on caresse la neige fertile

 

on glisse au doigt

les anneaux

qui tournaient autour des noms

 

(5 février 2018)

 

une phrase qui s'extrait

des hautes strates de la neige

dos brossé par le jour

 

oiseaux s'envolant

dans des petits nuages

de vapeur

 

on ne reconnaît pas les mots

remontés d'un long puits

de froid et de blanche

obscurité

 

on sait que la bouche

tentera d'inventer un écrin

pour une voix inconnue

dents translucides

butant contre les cristaux

des lettres

eau

coulant sous la glace

(7 février 2018)

 

 

 

 

à partir du 8 février 2018


nous voudrions

enrouler les veines

de notre langage atone

sur l'axe ébréché de notre gorge

 

s'égoutte un sang pâle

quand frémissent des remous de voix

 

de la pointe biseautée d'une branche

on écrit en blanc

sur la neige

 

nous couchons notre corps

de l'autre côté de la cascade gelée

où dort un souvenir de

ruissellements

 

nous couvrons notre bouche froide

avec une toile

un linceul ancien

et nous semons la cendre des mots

non encore prononcés

(8 février 2018)

 

près des fagots d'ombre

dans des craquements de bois gelé

on tente de glisser

la phrase manquante :

     sera source étroite

     enfouie sous des

     cristaux de givre

 

salive aride

de ceux qui portent une soif

d'avant le jour

 

lèvres fendues par

des poignées de consonnes :

     calcite concassée

     blancs

     graviers

 

quelqu'un sème une neige

sur les champs

assoupis dans la brume

 

on épargne 

un couloir d'absence

pour préserver

un souffle au cœur du

poème

 

on dépose des brindilles 

sur des bords

incertains

(9 février 2018)

 

dans

fissure qui s'ouvre

dans la neige

on voit

une mémoire fragmentée :

     un bras un corps

     séparés

     et sur la langue

     rien d'autre qu'un cri

(10 février 2018)

 

quand

à peine retendues

les cordes de la voix

sous les écheveaux froids des nuages...

 

on regarde en vain

d'autres cordes

rêches

des langues minérales

glisser entre les doigts

 

quand se nouent

les noms et les choses

s'abat un crépuscule 

sous la lumière solaire

 

on regarde là-bas

une averse de neige

enfouir les arbres et les pierres

 

quand les choses égarent les noms

où résonnent les échos ?

(12 février 2018)

 

on frotte la pierre avec

des poignées de neige

 

on se penche 

vers le froid

 

tout s'enroue autour

d'un feu de glace

 

de 2 ou 3 phrases murmurées

ne restent que

des éclats de sel

 

on se souvient de qui frappait

le roc blanc

de qui donnait ses mains

au vent acerbe

 

là-bas on taille dans l'air

le son de quelques mots glacés

on ne connaît pas

la forme des lettres

 

ce qui sera 

un chant de glace

sera une 

énonciation

de brume

inscrite sur

la langue

(13 février 2018)

 

on regarde

des scories de neige

salies de suie

 

on éparpille

des poussières de fusain:

on ne reconnaît pas

les dessins décomposés

 

peut-être qu'on verra

un peu de noir se densifier

 

lire formera peut-être

des lettres

 

séparer les noirs

sera écrire

mots cherchant leur voix

dans cette infime

décantation

(13 février 2018)

 

un vent gris

cogne contre les mots

et des grains de neige gelée

s'immiscent entre les lèvres

 

on ne sait dire que

cette cendre

nouvelle

qui estompe le noir

de l'asphalte

 

nos pieds foulent

des voix de lenteur

glissant contre le sol

rayant le seuil du crépuscule

 

nos mains cherchent des bêtes

absentes

 

qui relèvera les cimes

des arbres brisés ?

 

nous ferons peut-être

de nos phrases ressassées

des bâtons secs

 

nous nous appuierons quand

notre voix

s'effondrera

dans la nuit

(14 février 2018)

 

on barre 

les noms des choses

 

on traîne les noms des ombres 

dans la neige

 

on s'éveille

à la cendre d'une nuit

corps absent 

qui creuse le poème

 

crayon qui crisse 

sur le papier quand on tente de

dessiner une tête

coiffée d'un

bouquet de branches mortes

 

plainte dérisoire :

     deux traits ou

     une bouche

 

sans lumière

cailloux des yeux 

taches d'encre noire

 

on écrit

des lettres malhabiles

on ne sait pas si

les corps des mots

naîtront d'une

évaporation de la neige

(15 février 2018)

 

si on faisait du vent

un vieillard

ridé et racorni

si on disait 

que les peines qui nous viennent

sont des 

bouquets d'intempéries

- crêtes d'écume et 

failles dans la glace -

on pourrait laisser les encres

perforer les pages

et nos doigts

nouer des branches mortes

avec des lambeaux de chants

arrachés aux poèmes

 

on pourrait clouer la langue

sur des résines glacées 

perdre voix et écrire...

 

mots translucides

qui palpitent

dans des cristaux de pleurs

 

on pourrait dire

que les larmes

sont appelées par le froid

 

on écoute un murmure

franchir les berges du sang

et

sans nous

glisser sur la terre

(17 février 2018)

 

dans la rivière du jour

blocs de neige gelée et 

lambeaux de glace

glissant sur l'herbe

 

lumière qui heurte

la montagne blanche

 

la langue est

laminée par

un poids de neige 

disparue

 

quelques mots érodés

disparaissent dans

les interstices du froid

 

blanche est

la voix du muet

noir sera

un autre jour

dans l'écho

d'une nuit ancienne

 

on pose une page

glacée

sur un rocher

pour que s'éveille

le sang de la langue

(19 février 2018)

 

on retient un peu

des brins de nuages

glissant entre les doigts

 

on se demande si

une mèche claire

humide

séchant sur la langue

dessinera la ligne incertaine

d'un murmure

 

les chants d'oiseaux

sont des hachures

dans l'air

 

avec nos  doigts maladroits

tenant quelques mots

nous trébuchons

sur des paquets de neige gelée

 

 

écouter le bruit des pas

contre le sol :

     la voix d'un père

     s'éreinte là-bas

     tirant le vent

 

combien de voix 

dans notre bouche ?

 

on cherche encore

à boire

les souffles de ceux

qui nous veillaient un jour

en tremblant

(20 février 2018)

 

une ébauche

un pleur 

de ciel

 

on érafle la page

 

une neige vacille

à voix pâle

 

on souffle sur

des poussières de givre

lettres infimes 

glissant sur la pente

 

c'est un écrit

pointillé

à peine

un souffle

qui s'éteint

(23 février 2018)

 

on demande à l'oiseau

à l'éclat acéré des ses ailes

dans l'envol

quelles seraient les voyelles du froid

 

comment prononcer

la toile gelée

qui se resserre autour de

la bouche

un sel qui crisse entre les dents

 

quelle langue pour dire

la langue érodée

l'absence de poussière

un mot réduit à l'infime ?

 

avec des épines longues

on coud la lumière

au travers de la page

on trace l'absence des mots

en filigrane

 

peut-on élever la voix dans

la transparence d'un silence

de glace?

(26 février 2018)

 

un porteur de froid

découpe la lumière

cisaille l'eau

 

nous donne matière

pour briser

sous la langue :

     un caillou confus et

     des fils noués par le gel

 

on ne peut chercher mots

que dans la faille

obscure

ouvrant la terre

 

on entend l'éclat

de quelques cristaux

soulevés par

la respiration

 

effleurements d'écrire

dans la clarté de l'air

(27 février 2018)

 

une neige gelée

recouvre les livres

 

interminablement

on répète les noms

qui glissaient entre les pages

 

on s'attend à voir

des visages anciens

repousser la brume

 

on écoute le vent

qui heurte la mémoire qui

dessine des corps

disparus

 

on se souvient qu'écrire

ressemblait à

compter des     cailloux

 

on entendait dans 

les pas

le son de syllabes

furtives

 

si on écrit encore

on ne sait pas

que l'encre est sèche

que les mots

ne laissent pas

d'empreintes

(28 février 2018)

 

trois silences

sur la branche

d'où tombe la neige

 

on regarde s'éteindre

les cristaux de givre

 

on écrit sur

les lignes épaisses du vent

ployant sous

feutre gris porteur de pleurs

 

on cherche qui

s'effondrait sous

le poids de 

ses épaules mortes

et quels mots pour dire

plomb de la langue

vocabulaire d'argile

que des doigts gourds

déforment 

inlassablement

 

on tente de

retendre les pages d'un livre

gorgé de vieille 

humidité

(3 mars 2018)

 

sur la lisière des oiseaux

oscillent les pépiements d'ombre

voyelles gribouillées

 

on écrit

comme on entend

les tremblements de l'encre

 

ailes soulevées inclinant

les angles de la lumière

 

mots qui glissent au bas des pages

 

on descend

dans le ravin 

d'une mémoire silencieuse

 

lire est 

creuser à rebours

dans l'épaisseur du livre

(24 mars 2018)

 

près de la source noire

boivent les oiseaux

 

on se souvient d'un cri

recouvert par

le sang

quand la lumière se brisait

 

qui pouvait écrire

ce qui disparaissait :

     corps et voix

     l'enfant

     jeté à la fosse?

 

quelle est

la couleur de l'encre ?

 

comment

dessiner des lettres

quand mains et langue

sont avalées par la nuit

dans le reste infime de 

la soustraction des temps ?

(25 mars 2018)

 

on sèmera

la terre des ombres

dans 

un sol de cendres

sculpté par le vent

 

écrire

ce qui délabre la langue

dans la main de

celui qui s'en va

 

souffler

entre ses lèvres

ce qu'il reste

d'un sang âcre

 

on attend que pointe

un germe pâle

dans

corps sombre qui se délite

 

on pose le linceul

au sommet d'une pierre

attendant que se déposent 

3 voyelles minérales

teintées d'ocre et de miel

(26 mars 2018)

 

écart des lèvres 

dans une

fumée de neige

 

le froid creuse le souffle

 

les voix des oiseaux

pointillent les branches

 

carmin au bout des becs

c'est une encre

cristallisée

 

on aligne des pierres

de couleur

sur la ligne d'une écriture

à peine respirée

 

un seul mot apparu

renverse le silence de la langue

oubliée

(27 mars 2018)

 

on dira des jours de pluie

gouttes entre les cils

la lenteur de la parole

regard qui suit la bruine

 

écrire est enfoui

dans l'obscurité

gorge de patience

vêtements élimés

que l'eau traverse

 

on avance avec la lente

dilution de l'encre

 

la voix n'est rien de plus

qu'un chiffon vieux

qui cherchait en vain

des transparences

(28 mars 2018)

 

avec les poussières des mots

entre les doigts

quand on secoue les livres

on perçoit 

des souffles d'oiseaux

qui remontent dans la gorge

des ailes

soulèvent l'air

immobile

 

quelle matière d'écrire

puisée à la lumière crépusculaire

pourrait couler 

dans les ruisseaux de la voix?

(29 mars 2018)

 

on dévêt l'attente

d'un collier de pierres froissées

argile sèche

qui colle le souffle

à notre langue

 

eau de parole absente

qui s'évapore sur la page

 

on recueille

des poussières d'encre

3 ponctuations pour un silence

 

écrire ressemble à une toile

élimée

 

soulevée de

la bouche

qu'elle couvrait dans la nuit

elle dénude

le puits d'aridité

où cristallise le sel

 

là-bas

sur le fond de terre craquelée

la bête de la mort

construit son nid

de feuilles et de débris

fermentés 

(30 mars 2018)

 

et toute flaque

brisée par tes pas

porte les brouillons

de ta mort

 

tu froisses les mots

sur la page de l'air

tu pousses des graviers

dans les marges

de la langue

 

assombrir les lettres

ouvrira des regards

dans la terre

 

nous tirerons sur les cordes

qui remonteront l'eau

jusqu'à notre soif

 

un seau

un cerclage de silence

on renverse les mots

sur la tombe des livres

que nous ne savons pas écrire 

(31 mars 2018)

 

quelqu'un parle

dans le rêve qui nous éveille

 

translation de

la phrase

 

déplacement latéral comme

d'un pas

sur un fil d'horizon

 

mots qui glissent dans

des reflets d'oiseaux

on ne les reconnaît pas

 

on se souvient 

qu'un nom était inscrit dans l'ombre...

de l'autre côté de la page

nommant un père

sans regard

 

il nous arrive de cueillir

sur la terre

des cailloux

traversés de lumière

 

 

mais la main

est une encre

elle sème

des cendres de nuit

sur les rivières argentées

 

le nom même du père

disparaît dans

ce qui s'éteint

lentement

(1er avril 2018)

 

sur les lisières

moindre neige

survolée d'oiseaux

 

un arbre fissuré

est une voix pour écrire

étiolement

corps érodé

 

un sang sec

devient une encre

dans la rosée de l'aube

 

pâle écriture de

ce qui soustrait 

les reflets de la rivière et

l'humide sur

la nuque des mots 

(2 avril 2018)

 

mains posées

sur la friche

rêche et déchirée

 

débris végétaux 

comme

débris de lettres

aux bords coupants

 

quoi soulever

dans un chemin qui saigne

sous les lames de lumière ?

 

troncs secs

la voix minérale d'un livre

...

 

on voit un corps

courbé sous des charges

échevelées

qui avance 

raclant le sol

 

dans les mots qu'on écrit

on sait que le corps est

l'ombre qui nous devance

portant

les branches mortes

de la respiration 

(3 avril 2018)

 

délabré  comme

gravats de nuit

pourra-t-il entrer

dans des voyelles de source

translucide et glacée ?

 

on voudra 

balayer un seuil

pourtant on verra

page à page

se déposer des voix

 

sombre et grenue

est ta propre langue

 

on sépare les mots

par décantation

 

les tiens sont lourds 

et opaques

tu

alignes des pierres

 

des rocs sont tombés

de la montagne

 

écrire contourne

des ombres difformes

se retient

à ce qui courbe le corps

(6 avril 2018)

 

creuser

les nuits des chiens

couvrir nos aboiements

avec les vêtements déchirés

de la mémoire

 

plaies qui sillonnent

la terre sèche

graphies

des hurlements à la lune

 

des germes pâles

s'abreuvent au carmin

d'un sang invisible

déplient les fleurs noires

qui étoilent le ciel

 

graver

avec des doigts de granit

le silence

de notre nom

 

on ne savait pas qu'écrire

était la lueur des pierres

éteintes depuis longtemps 

(6 avril 2018)

 

pierres brûlées

tombées dans la langue

 

temps d'écrire

charbon de larmes 

porte 

d'effacement 

frottée de cendres

 

on suit lentement

la ligne des rocs

cherchant l'empreinte

d'un embrasement ancien

 

que reste-t-il d'un cristal

porté au blanc du feu?

 

peut-être qu'il disparaîtra

avant de jeter l'éclat

de sa mort

 

 

combien d'étoiles entoureraient 

une bouche ensanglantée par

l'oxydation

 

elle tirait les mots 

d'une caverne froide

invisible

jetait au jour

des secrets de paille

fermentée

 

on soustrait l'encre

à l'outil d'écrire

 

on furète dans 

un blanc

d'aveuglement

même les craies tracent

des hachures noires

dans la lumière

(7 avril 2018)

 

on regarde là-haut

le ciel sans eau

l'oiseau disparu

 

écrire

sera la soif

 

on voit quelqu'un

gravir

un sentier sec

dénudé par le vent

 

écrire

ne laisse pas de traces

 

on se souvient

du ânonnement de dire :

     pas heurtés

     contre les rocs

     page vide

 

on franchit le seuil

d'un silence de poussière

qui nous efface

 

là-bas vibre encore

une voix éteinte

depuis hier

 

écrire sans mots

pour qu'elle fredonne

(7 avril 2018)

 

on pourra écrire le blanc

d'un brouillard

 

visages du dedans

bouquets de regards

entre les branches

 

ouvrir une porte

main tachée de noir

se donne au jour

avec des mots de

disparition

 

on suspend

le vêtement usé d'une mémoire...

celui qui

coupait les corps

 

quelque chose

saigne noir

sans encre

 

écrire...

on le recouvre d'un

petit tas de neige

 

ciel blanc

bouche qui draine

des alluvions silencieux

(10 avril 2018)

 

un peu de clarté

veille

posée  sur le caillou

semé dans la langue

 

on cherche des brins

pour tisser

un écrit :

     âpre cendre 

     crissant dans la nuit

     miel noir

     posé sur les plaies

 

nos va-et-vient 

dessinent un seuil

pierre

de franchissement

 

là-bas on marche

sur la lande délabrée

du

vocabulaire

 

peut-être qu'il reste encore

quelques mots

inconnus

 

on voudra qu'ils brisent

la pierre de dire qu'ils 

éparpillent

des gravats dans le poème

(11 avril 2018)

 

prendre les hachures de la pluie

pour filets d'encre

ou de salive

 

ouvrir le livre

de la mort

oubliée

déchirant l'ombre

 

écrire entre les lignes :

     nous hurlions de peur

     auprès de celui

     qui vivait

     encore un peu

     dans son corps mort

 

     l'enfant 

     nous ne pouvions que lire son nom

     dans les paumes de la mère

 

certains sont là

qui nous regardent à travers

les boucles lourdes

des voyelles

 

on voudrait effacer 

la main

laisser la voix dans 

une bouche immobile

(14 avril 2018)

 

gravier du souffle

égaré dans l'air

 

chercher un nid de pierres

mots amoncelés

dans les brisures

énoncés par des bouches

inconnues

 

on feuillette 

les voix claires des oiseaux

dans l'attente de lire 

dans l'air

notre propre langue

 

 

peut-être qu'une neige

effacera les lettres 

sous chacun de nos doigts

 

(20 avril 2018)

 

sans demeure

l'oiseau

aux ailes de suie

efface

les lettres du ciel

 

il enroule la voix du vent

pelote interne

couverte de rouille

 

on porte dans les mains

un envol baigné d'encre claire

 

ainsi l'oiseau

le livre haut

 

la langue

aux hachures lentes

écrit

interminablement

un brouillon de cendres 

sur des pages 

que le jour efface

dans sa lumière

(27 avril 2018)

 

quand la nuit se désagrège

prendre au ciel

des copeaux de mots 

et des éclats d'encre 

 

inventer poussières et voyelles

dans la langue

 

croire aux corps

minés d'attente

entre les lignes 

des ruisseaux

 

on cueille 

des cailloux froids

on égare

des graviers de mémoire

 

on s’applique à semer l'oubli

par poignées de perles

et on guette

la venue d’un premier germe

entre les rides

du visage inquiet

 

(28 avril 2018)

 

une lampe voyage

dans les nuages

à hauteur de jour

brisant des doigts d'éclairs

 

leurs ombres déchirées

touchant la langue

ramifient la

parole:

 

on dit

le gravier de l'orage

les rivières de sang clair

grossies par les pluies

 

on écrit

le fusain pulvérulent

de la ligne de

l'horizon

 

décryptant le son saccadé des averses

on gribouille

des récits

 

rédiger le livre

fait un bouquet

des racines sombres des herbes

que les ravinements des eaux

avaient extrait

de la terre

 

la minutie de l'encre

préserve des silences

nocturnes

dont on s'abreuve

(1er juin 2018)

 


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